Dans le cercle de verre du Forum de l’hôtel de Ville de Saint Louis sont présentées les œuvres de Gérard Delafosse.

Artiste plasticien, vivant à Torcy près de Marne-la-Vallée,
il expose régulièrement à St’art, la foire d’Art Contemporain de Strasbourg dans la galerie Slotine. C’est là que Catherine Koenig a découvert son travail. 

Gérard Delafosse a effectué ses études à l’Ecole Nationale des Arts Appliqués. Il y découvrit entre autres les résines et les métacrylates qui sont des matériaux transparents. Plus tard, en 1976, la peinture s’imposa à lui. Choisir de peindre dans ces années où régnait l’art conceptuel n’était pas facile. La peinture apparaissait à certain démodée, inefficace, quasiment inapte à la modernité. 
Gérard Delafosse choisit de peindre pourtant, malgré tout. Presque chaque jour. Sur du papier, des feuilles de papier pelure fragile et translucide. Il peint les feuilles de couleur bleu céruléum, jaune citron, jaune de chrome, terre de sienne brûlée. Il fait des empreintes, des surimpressions à l’encre noire, des lignes à l’acrylique. Ce sont des dessins peints, des esquisses, des idées d’images, des images d’idées. Des petits moments cristallisés.  Ils s’entreposent dans des cartons, s’épinglent sur les murs de l’atelier aux murs de verre. 
Puis, Gérard Delafosse en choisi l’un ou l’autre, les pose, les place, les compose sur une feuille de verre. Un verre blanc mécanique tout simple. Le verre du vitrier. Un verre qui n’a ni endroit ni envers. 
Sur cette plaque de verre transparente, Gérard Delafosse pose les feuilles blanches de papier pelure, y place des lignes, des points qui jouent dialoguent, transitent ou s’étalent sur la surface à la fois transparente et réfléchissante. Le plasticien joue avec les reflets des vernis, les lignes noires qui soulignent, qui cheminent, qui serpentent…

Guetter le moment où affleure l’émotion de l’instant. Se taire, attendre, faire le silence et guetter. Laisser poindre la goutte, l’étirer pour qu’elle devienne ligne. Jouer avec elle, entrelacer, lier et dénouer, entourer, passer au-dessus d’une feuille collée. Ajouter au-dessous des aplats de couleur vive, jaune, bleu, rose, ocre. Laisser planer le temps suspendu… Entrer dans la caverne et peindre sue la paroi de verre, l’envers du monde, le dedans de soi. Le verre n’est pas que transparence. Il réfléchit le visage de celui qui se penche.
Il y a une proximité, une évidente projection de l’un sur l’autre. L’un y tisse le fil de son temps qui se coule sur la paroi de verre, l’autre reflète fidèlement la face et la main qui trace. C’est un monologue, une mélopée un peu triste où s’égrènent les différents moments qui se tissent lentement et deviennent une œuvre. Se plonger dans une médiation silencieuse et intérieure, inventer le silence, trouver la source et l’origine de la ligne qui devient trace, celle qui ouvre un chemin, qui balise la route du cheminement intérieur. Se perdre quelquefois dans les méandres toujours réinventés de la ligne et des couleurs sur fond de verre.
Chacun peut s’approprier ces formes sans références figuratives qui permettent de poser des questions sans mots. Ces images indéfinies deviennent le support de l’imaginaire d’autrui, du passant qui s’attarde et s’évade.
Les œuvres de Gérard Delafosse sont comme des pierres d’un gué qui permettent à l’esprit de se plonger dans un temps infini comme une page blanche, réfléchissante comme une feuille de verre à la fois transparente et translucide où il n’y a ni endroit ni envers. 

"Où il est question de temps, de maisons, de larmes, de lumière, de vitre, d’escalier, d’infini, d’invisible, de portes, de fragilité, de passages, d’échelles… et puis il y a tous ces mots pour dire ce que nous ne faisons pas, ce que nous ne ferons pas. Alors il me revient des images, la peinture." *

*Gérard Delafosse. Mots Nunca Editions. 1999.

Catherine Koenig 2005